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S’il y a une gare que Paul Delvaux a manqué de peindre, c’est bien celle de Mokra Gora.
Nous fréquentons cette gare lors de chacune de nos visites en Serbie. Petite gare d’un passé lointain, des gens passionnés lui redonnent vie et, à la belle saison, de vieux trains y circulent pour le plus grand plaisir de touristes de plus en plus nombreux.
Cependant, ces touristes arrivent juste pour le départ du train, déversés de bus, font le trajet aller-retour et sont avalés aussitôt par les mêmes bus qui les emportent aussi vite. Et c’est là que notre plaisir commence.
Imaginez-vous à la limite d’un petit village, posé au creux d’une vallée bordée de collines boisées. Vous vous dirigez vers la gare petit bâtiment blanc, pimpant, avec le nom de l’arrêt en lettres bien noires. Devant, une terrasse ensoleillée, sise entre la gare et un étroit quai bordé tout le long de vieux réverbères. Sur le côté un restaurant, pas une buvette, un restaurant-brasserie.
Il y a peu de monde, la saison est finie, le train ne circule pas, mais la gare n’est pas morte, elle est maintenant un hôtel où s’arrêtent touristes et serbes de passage. Les gens du villages viennent y boire un verre, manger un morceau, partager leurs émotions lors d’un match de football.
C’est une poésie, ballet de gens qui n’attendent aucun train mais se rendent à la gare, déambulent le long du quai, boivent un café comme s’ils avaient du temps à passer avant le prochain train. Mais il n’y a pas de prochain train, juste le plaisir de jouer à l’attente.
J’y suis pour le moment, à cette terrasse, un couple s’installe, des coups de marteau au loin, un villageois qui monte le toit de sa nouvelle maison, le bruit des discussions à l’intérieur entre le personnel du restaurant et les habitués. Il est quinze heure, un pâle soleil d’automne irradie encore assez de chaleur pour y être confortable. Dans moins d’une heure, j’assisterai au coucher du soleil qui glissera de minute en minute derrière la colline et le froid se répandra.
Cette visite est particulière pour nous, lors de nos autres visites, en haute saison, les chambres n’étaient plus libres. Mais hier, elles l’étaient. Quelle surprise, les chambres sont disposées à l’étage, ce qui devait être l’appartement de fonction du chef de gare. Un salon au milieu et quatre portes pour quatre chambres. Nous ouvrons la nôtre et nous avons l’impression de remonter les siècles.
Dormir dans un tableau de Paul Delvaux n’est-ce pas un doux rêve?