La guerre inoubliable
Nous sommes retournés à Slavonski Brod (Croatie), cette ville à cheval sur la Sava, au début des années 2000.
L’hôtel Park existait toujours bien que d’une année à l’autre, les draps sans trous sont venus à manquer, puis ce fut l’ascenseur qu’il n’était plus recommandé d’utiliser et finalement nous trouvâmes porte close lors de l’un de nos derniers passages.
C’est dans cet hôtel que nous avions à l’époque eu l’occasion, plus de 10 ans après les faits, de passer une partie de la nuit à discuter avec la réceptionniste de son expérience de la guerre entre les Serbes et les Croates. L’histoire racontée par une de ses victimes, l’histoire racontée telle qu’elle a été vécue dans la vie toute simple d’une femme, habitant sur une rive de la Sava et travaillant sur l’autre rive. L’histoire d’une guerre qui a scindé la ville en deux, la Sava étant devenu une frontière, semblable à une balafre, séparant Slavonski Brod de Bosanski Brod.
A l’époque déjà, là comme dans d’autres endroits, nous nous sommes étonnés de trouver les dégâts d’une guerre terminée depuis près de 10 ans toujours présents. En particulier les façades criblées par les tirs portant toujours les traces des violences telles les cicatrices particulièrement profondes d’une variole monstrueuse.
Aujourd’hui, en 2019, ces cicatrices sont toujours présentes, dans des crépis qui ne nécessiteraient qu’une truelle et un peu de ciment pour être réparées.
Là, maintenant, sur les berges de la douce Sava, rivière mythique des Balkans, de nouvelles traces sont apparues, récentes, 20 ans plus tard, telles des réminiscences, des séquelles bourgeonnants. Aux yeux des badauds, qui chaque soirée d’été baladent le long du cours tranquille de l’eau, trottent sportivement, glissent sur leurs skates, dans cette respiration sereine de l’air rafraîchi, la plaie se rouvre, les cauchemars s’affichent.
Combien de temps nous a-t-il fallu pour oublier nos guerres? Nos enfants n’en ont quasiment pas entendu parler, en tout cas de ce qui a été vécu par leurs aïeux. Nous n’avons pas connu de guerres mais elles faisaient le sujet d’évocations de souvenirs de nos parents et de nos grand-parents.
Combien de temps faut-il pour en guérir?